Je te souhaite des nuits lumineuses
Laurie Noyelle
Du 19 Septembre au 25 Octobre 2025

Je te souhaite des nuits lumineuses 

C’est une promesse. Une étincelle sous les eaux de l’Arctique. Un écho descendu d’une nuit polaire, un jour, lors d’une résidence immersive au Groenland. Ce sont les vœux que l’artiste prononce à voix haute, maintenant, et il y a longtemps. Qu’a-t-elle vu dans l’ombre du ciel ? Qu’a-t-elle ressenti de ce que l’obscurité reflète sur la neige? Auprès de quels soleils se réchauffaient ses personnages ? 

Je te souhaite des nuits lumineuses sont les vœux adressés par l’artiste à sa défunte chienne Glósóli (soleil brillant en islandais), son alter, les yeux au travers desquels il lui arrivait d’appréhender le monde avec davantage de légèreté. 

Par ce serment, l’artiste nous invite à célébrer la vie et la mort. Elle en brouille volontairement les frontières. Laurie Noyelle est une plasticienne complète. Elle peint, sculpte, dessine, écrit, fait de la micro-édition. Les médiums qu’elle utilise sont poreux. En mélangeant les cendres de sa chienne à l’émail de ses céramiques, elle propose un passage. Une porte. Elle ne disperse pas ses cendres, elle soutient que disparition est métamorphose. Elle propose de penser le deuil comme un espace large, planant, qui ne serait pas peint de ténèbres, mais d’une nuit arctique, d’un noir profond où brillent les spectres de ceux qu’on aime. 

Au cœur de trente jours sans jour, Laurie cherche ce qui brille. Ses yeux s’adaptent d’heure en heure et la lumière devient plus riche, plus nuancée, plus délicate, parfois plus franche. L’artiste ne rapproche pas la nuit du désespoir comme elle n’associe pas le soleil au bonheur. Ses contrastes sont plus subtils. Comme pour tout ce qui compose la vie, c’est bien dans les nuances et les dualités que se déploie le travail de Laurie Noyelle. Face à ses pièces, on pressent intimement la présence dans l’absence même, les éclats dans le sombre, le souvenir, la mélancolie dans la tranquillité.

Laurie Noyelle est une artiste du rituel, elle a quelque chose d’une magicienne que l’on ressent à travers ses séries de forêts. Depuis neuf années, elle s’échine à peindre, dessiner, coller, masquer, recoller, reproduire, décalquer la même forêt. Au dos, les mots du jour. Humeur, température de l’humeur, qualité du ciel. Laurie voyage. Petit à petit, le cortège de ses personnages taciturnes, incarnés, hybrides, mystérieux : chien Rose, oiseau Saturne, ours Gris, Hibou, Femme (Ielle), Spirit ; et ceux que l’on ne voit pas mais que l’on sent frémir derrière un arbre, se découvrent. Laurie est tout à la fois oiseau, chien, ours, hibou, esprit, femme, et i·elles sont elle, tous·tes à la fois.

Cette exposition est une poursuite, une page qui se tourne, laissant précéder : Kävely, Les ours meurent en novembre, les Révolutions de Saturne, pour ouvrir le ciel à des nuits lumineuses. Cette exposition est dédiée à la fois à Glósóli, au hasard qu’elle questionne, à moi, à nous toutes, à tous, à chacun des êtres disparus qui veillent.

La cendre du soleil brille encore.

Anna Tuccio